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Penser l'après... Béatrice Venard

 

Cette période de confinement nous ramène nécessairement au local, au rayon du kilomètre autour de nous.

 

Elle nous rappelle l’extrême nécessité de relocaliser l’économie et en particulier la production alimentaire. Cette relocalisation est un facteur clef de résilience en temps de crise quelle qu’en soit la nature.

 

Le local, c’est aussi notre environnement, le lieu dans lequel nous vivons, évoluons, marchons, courons etc.

 

Nous relocaliser

Nous sommes nombreux actuellement dans le Diois à saluer notre chance de vivre dans un environnement d’une grande beauté. Nous découvrons, redécouvrons avec un œil neuf les mille richesses de proximité : un cerisier en fleur, les champs de tulipes sauvages… Le silence nous permet de discerner mieux encore les chants des oiseaux qui s’expriment au fur et à mesure de leurs arrivées… Avez-vous entendu les premiers chants du rossignol ?

 

Nous prenons conscience qu’il n’est pas toujours besoin de parcourir des kilomètres en voiture pour entreprendre des randonnées passionnantes, que la beauté est aussi à notre porte. Emportés par notre désir de consommation de loisirs, de découvertes, de dépaysement, nous prenons rarement le temps d’observer ce qui nous entoure au plus près. Cette période hors du temps nous donne une opportunité de flâner près de chez nous, de nous asseoir pour observer, gouter les petites choses qui font le sel de la vie : le butinage des abeilles ou du xylocope, l’éclosion des bourgeons, etc.

 

En espérant qu’une fois ce temps dépassé, nous nous rappellerons de nos découvertes de proximité et ne serons pas systématiquement happés par des désirs d’ailleurs.

 

Puisse ce temps nous rappeler la nécessité vitale de préserver tous les milieux naturels de proximité, de leur permettre de pénétrer plus encore en proximité des habitants en centre ville…

 

Puisse ce temps rappeler à tous les jardiniers aussi la nécessité de laisser cette nature entrer dans leur domaine, de leur apprendre à l’observer, à composer avec plutôt que de lutter systématiquement contre à grands renforts de tondeuses, tronçonneuses, tailles haies …

 

Ce temps enfin a permis la découverte ou redécouverte de cheminements de proximité. Beaucoup de personnes ont apprécié des sentiers récemment rénovés qui leur ont permis de se dépayser à deux pas de chez eux le temps de l’heure autorisée. Puisse ce temps nous rappeler l’importance de développer encore ce tissu de sentiers …


Cette crise nous ramène au vivant

De nombreux articles scientifiques mettent en évidence une origine animale de l’épidémie de Coronavirus. Les processus sont complexes et difficiles à appréhender mais cela serait en lien avec des écosystèmes de plus en plus transformés, modifiés, perturbés, simplifiés, morcelés, en rupture d’équilibre…

 

Plus on simplifie un écosystème, plus on en réduit le nombre d’espèces, plus les mécanismes de régulation sont fragilisés et on court le risque de prolifération d’une espèce qui va prendre le dessus et se répandre… comme cela est le cas de nombreuses espèces invasives, le tout étant favorisé bien sûr par la mondialisation des échanges.

 

Il est temps, grand temps de faire remonter la protection de la biodiversité et des écosystèmes au premier rang des priorités ! Cela ne doit plus être le petit plus, l’élément déco, la marotte de quelques illuminés… il faut maintenant que la protection de la biodiversité soit première partout : premier critère de choix dans tout projet d’aménagement, élément fondamental de l’éducation à tous les âges de la vie…

 

Nous n’avons plus le choix…

 

 

Cela nous rappelle que nous autres humains faisons partie de la nature, que nous sommes des êtres vivants au sein des êtres vivants, en interactions avec l’ensemble des autres espèces.

D’ailleurs, cela fait des décennies que la classification du monde vivant ne place plus l’homme en haut de la pyramide, mais au même niveau que les autres espèces, vers de terre et fourmis par exemple.

 

Pourtant, nous vivons toujours dans l’illusion que nous sommes capables de tout maîtriser dans une volonté de toute-puissance humaine. Or, nous n’avons pas d’autre choix que de composer avec les êtres vivants non humains, les respecter, les observer, les accepter… Cessons cette volonté illusoire du tout contrôle.

Maintes fois, la nature nous a rappelé souvent douloureusement que nous n’étions pas maîtres à bord, inondations, incendies, épidémies, etc.

 

Réapprenons à coopérer avec les autres vivants plutôt que nous placer en compétition, voire en guerre contre eux.

 

Cerise sur le gâteau, cette nature nous rend heureux. Combien de témoignages du plaisir éprouvé en ces temps de confinement par la présence de fleurs, d’arbres, d’animaux… Le bonheur à portée de main si on le permet, et gratuit de surcroît !

 

Ces êtres vivants ne sont pas seulement des éléments décoratifs dans notre environnement. Ce lien aux êtres vivants autres qu’humains nous est nécessaire tout autant que le lien avec les autres humains même si nous l’avons parfois oublié, enterré au fond de notre conscience.

 

 



Repensons les fondamentaux de l'enseignement

La crise actuelle nous ramène à l’essentiel de la vie, aux valeurs fondamentales. Dans le système éducatif, elle interroge la hiérarchie des apprentissages.

 

Quels sont les enseignements fondamentaux pour faire face à cette crise ou à d’autres crises, quels sont ceux qui nous seront nécessaires pour vivre au mieux dans le monde de demain ?

 

On pourra rétorquer qu’on ne peut fonder l’éducation sur un épisode transitoire. Mais nul ne sait pour l’instant quelle sera la durée de cet épisode et des scientifiques font l’hypothèse d’autres épidémies voire pandémies de même nature dans les années ou décennies à venir.

 

De plus, l’état dégradé de la planète peut nous faire craindre des crises d’autre nature comme il s’en est produit beaucoup au cours des dernières années (catastrophe nucléaire, incendies gigantesques, inondations, etc.).

 

Ce n’est pas faire preuve de pessimisme mais plutôt de réalisme voire de prévoyance que d’envisager ces hypothèses pour préparer les enfants à vivre au mieux dans ce monde.


 

Bien évidemment, les capacités d’expression langagière écrite ou orale et de raisonnement mathématique sont essentielles, on ne peut le nier. Cependant, il est temps de faire remonter dans l’ordre des priorités d’autres compétences :

  • Les compétences psycho-sociales pour nous permettre de nous recentrer sur nous-mêmes, de discerner nos besoins essentiels, de prendre du recul par rapport aux illusions du monde actuel (par exemple, le bonheur lié à la consommation), de faire face à l’incertitude, de développer l’esprit critique, de faire preuve d’empathie envers les autres (humains et êtres vivants autres qu’humains…),
  • Les connaissances du vivant, de notre organisme, des autres organismes et des liens d’interdépendance entre toutes les espèces (approche de la complexité) : connaissance scientifique mais aussi sensible, concrète… reconnexion au vivant, à notre nature et à la nature.
  • Des compétences concrètes pour améliorer sa résilience : jardiner, fabriquer, coudre, réparer, bricoler…

 

Certains seraient tentés de rajouter les compétences numériques.

Elles sont utiles bien sûr, mais prenons garde à cette nouvelle illusion qui ne peut être durable compte-tenu de la consommation d’énergie et de métaux rares que cela engendre. C’est aussi une nouvelle manière de ne pas rompre avec la mondialisation des échanges et tous ses effets pervers.

Ecole Jacques Lévine (69) Les enfants expliquent le fonctionnement de leur classe aux parents.
Ecole Jacques Lévine (69) Les enfants expliquent le fonctionnement de leur classe aux parents.

On ne cesse de parler de continuité pédagogique. Il est certes important pour l’équilibre psychologique des enfants qu’on garantisse une certaine continuité.

 

Mais n’est-ce pas une illusion qu’on pourra garantir une continuité des apprentissages pour tous ?

 

La communauté enseignante est stressée par la peur que les acquis de l’année ne correspondent pas à la progression prévue initialement.


Mais est-ce là le plus important ?

 

Insister sur cette continuité pédagogique, c’est refuser, cette perte de contrôle, ce temps d’arrêt dont on peut tirer des enseignements salutaires pour peu qu’on conserve une plasticité cérébrale pour nous adapter et questionner les pratiques antérieures.

 

Béatrice Venard

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