En réponse à des
parents d’ATD-Quart monde, qui témoignent de leur désir d’assurer au mieux pendant le confinement, la continuité pédagogique pour leurs filles respectivement scolarisées en grande section de
maternelle et en CE.2, et exprimant aussi leurs craintes de ne pas y parvenir…
Merci à vous deux pour votre message, qui témoigne bien que la menace qui plane sur nous aujourd'hui est autant social que sanitaire. De ma campagne qui s'éveille au printemps, je ne fais qu'imaginer ces moments si difficiles que vous vivez et je suis désolée d'être impuissante à vous soutenir. Si vous avez l'idée de quoi que ce soit que l’on puisse faire à distance, n'hésitez pas à le dire. Nous le ferons avec plaisir...
Pour en revenir vos filles, je comprends votre bien votre désir de faire au mieux pour les accompagner et votre inquiétude de ne pas y arriver mais, personnellement, je ne suis pas inquiète pour elles. D'abord parce que la "continuité pédagogique" prescrite est juste une illusion ! J'ai beaucoup de profs dans mon entourage qui passent leurs journées sur leur ordinateur à tenter d’entretenir cette continuité, à faire preuve d'inventivité, et même eux disent que c'est mission impossible. Ils continuent, et parfois en font même un peu trop, pour rassurer les élèves et leurs parents, et parce que leur conscience professionnelle les y oblige, mais ils disent bien que, hors la classe et la présence physique auprès des élèves, ils ne peuvent garantir que les élèves apprennent... Il y a continuité de liens et parfois de travail mais rarement d’apprentissage. Les moments les plus forts sont ceux où ils ont un contact direct, au téléphone, avec les familles.
C'est bien finalement, on redécouvre toute la valeur de l'humain. Faut-il que les relations soient empêchées pour qu'on mesure la force des liens affectifs et sociaux qui participent au bon apprentissage ?
Alors, oui, ce confinement va engendre des inégalités et les parcours scolaires des élèves vont être bouleversés, mais c'est vrai pour TOUS les élèves et à leur retour en classe, Melissa et Alicia vont retrouver des camarades qui auront, comme elles, vécus des choses différentes. Aucun élève n'aura appris la même chose que son voisin, et il faudra faire confiance aux enseignants et à leurs compétences pour gérer ces différences de parcours et refaire du commun. Peut-être même que ce sera une belle occasion, lors de la reprise, de favoriser la mutualisation des expériences et de mettre en place des marchés de connaissances...
Je crois que ce qui est dramatique dans cette situation c'est que l'état réduise le problème de l'école à une question de " transmission " et de "travail" et se décharge de la responsabilité qui lui incombe. Cela arrangerait bien notre ministre s'il suffisait de communiquer à distance les connaissances et les exercices et de dire à nos enfants "travaille". Cela ferait la preuve que les enseignants ne sont pas indispensables. Dommage pour lui, il fait la preuve du contraire !!! Dans tous les milieux les parents disent leurs difficultés, voire leur impuissance, à faire étudier correctement leurs enfants. Les enfants qui s'en sortent le mieux sont peut-être une toute petite minorité de jeunes particulièrement autonomes et passionnés par les études.
Le vrai privilège dans cette situation, et je pense que là les parents ont une carte à jouer, sera pour les enfants qui auront pu mettre à profit le temps qui leur était donné pour découvrir
autre chose que le programme scolaire. Autre chose à prendre dans les ressources familiales et locales, la participation aux activités quotidiennes des adultes, activités créatives avec ce qui
tombe sous la main, bricolage (c'est l'occasion de démonter la vielle radio !), chants, jeux en tous genres, écriture et lectures non imposées, plaisir des discussions à n'en plus finir pour
refaire le monde en y associant les plus jeunes... Donc, pourquoi ne pas les laisser jouer plus (et je ne parle pas de jeux vidéo), les accompagner sur ce qui les tente et les accompagner pour
qu'elles en fasse quelque chose d'intéressant ?
De ce côté là, je sais que vous avez beaucoup à apporter à vos enfants ! C'est bien plus précieux que le travail scolaire. Si vos filles tirent de la fierté et de la confiance à avoir vécu de
bons moments en famille, elles seront prêtes à s'adapter et à reprendre sereinement leur scolarité le moment venu.
Je vous embrasse,
Josse
Écrire commentaire